Les rivières transfrontalières : comment gérer l’eau de là ?
Pour un pays, gérer ses ressources naturelles est devenu un enjeu capital. De plus en plus, les forêts sont protégées, les faunes et flores sauvegardées, les gisements souterrains préservés. Mais comment contrôler un fleuve qui ne fait que passer ? Réponse avec un exemple du cru, l’Escaut.
Même si les hommes ont tracé des frontières pour s’organiser entre eux, rivières et fleuves ne s’embarrassent pas de passeport au moment de franchir la douane. Aussi à quoi bon pour une nation soigner son bout de fleuve si tous les pays voisins n’accordent pas le même intérêt aux cours d’eau. Cette nature mouvante pose donc un défi à la société moderne industrielle : comment de la source à l’embouchure gérer de manière responsable ces masses d’eau, préserver leurs réserves et en améliorer leur qualité. Car « il faut que les objectifs d’un côté soient compatibles avec ceux de l’autre, explique Arnould Lefébure, secrétaire général de la Commission Internationale de l’Escaut (CIE), à savoir le bassin hydrographique historiquement le plus pollué d’Europe. Il ne faudrait pas qu’un site industriel s’installe en amont d’une usine de production d’eau potable ou d’un parc naturel. »
Arnould Lefébure sait de quoi il parle. Depuis 1995, la CIE gère une coordination très poussée entre les pays concernés par le bassin de l’Escaut : la France, la Belgique (et ses trois régions) et la Hollande. S’il s’agit de gérer une ressource naturelle, les enjeux concernent également un pôle économique important (zones portuaires et voies navigables entre autres) ainsi que la vie de nombreux Européens. Le district hydrographique de l’Escaut est composé de 12,8 millions d’habitants, avec une densité de population trois fois supérieure à la moyenne européenne. Des villes comme Lille, Anvers, Gand ou Bruges voient passer cette artère bleue.
A travers de multiples réunions et la rédaction de documents communs, la coordination autour des eaux de l’Escaut a été novatrice, mais gérer l’eau de façon intégrée et coordonnée est à présent devenu une exigence européenne. En effet, l’Europe a adopté en 2000 une Directive cadre sur l’Eau. Son objectif à terme est d’ obtenir une gestion intégrée de l’ensemble des districts hydrographiques. Ce concept dépasse le seul cas de l’eau des fleuves et inclut toutes les masses d’eau de la région, y compris les eaux côtières et les eaux souterraines, qui peuvent aussi être transfrontalières.
« Un calendrier précis a été déterminé, poursuit Arnould Lefébure. L’état des lieux des bassins devait être terminé pour 2004. Ensuite, un système d’évaluation, un programme de surveillance étaient mis en place fin 2006. Un plan de gestion sera terminé pour 2009 avec un programme d’actions qui doit permettre d’atteindre le bon état écologique de l’eau en 2015. C’est-à-dire un bon état physico-chimique, quantitatif et écologique. » Soit, concernant la qualité de l’or bleu, revenir autant que possible à un état...potable.