Bolivie. Uyuni, l'océan de sel.
Quel détour ! Des pistes, tôles ondulées, au départ du grand nord chilien dépassent des cols sans oxygène, à 5 000 mètres d’altitude, et s’enfoncent dans l’Altiplano bolivien, désert désolé, sans vie ou presque. Plus de vingt heures de voyage pour découvrir le grand immaculé.
Imaginez une étendue blanche plus grande que la Corse, perchée à 3 650 mètres d’altitude, plate et lisse comme du tarmac d’aéroport, avec pour seuls reliefs des îlots rescapés du temps où ce désert était un lac. Voici Uyuni, le plus grand salar de la planète. Il y a 40 000 ans siégeait ici un gigantesque lac salé qui noyait tout le sud-ouest de la Bolivie. En s’asséchant, il laissa derrière lui deux petits lacs, Poopó et Uru Uru, et deux déserts de sel, le Salar de Coipasa et le gigantesque Uyuni.
Allons-y dans la démesure. Sur le site sont exploitées 25 000 tonnes de sel par an. Aucun risque d’épuiser les 10 milliards de tonnes estimées du gisement. La croûte salée varie de 40 à 300 mètres d’épaisseur. Ici, un paysan fou génial a construit un hôtel utilisant comme matière première des briquettes de sel puisées à-côté dans les milliers de petits tas récoltés. Depuis la préhistoire, les hommes raclent le salar à la force de leurs bras tannés par le soleil, de leurs mains rongées par l’or blanc.
Après la saison des pluies, en avril, une mince couche d’eau inonde Uyuni. Le sol épouse les teintes du ciel qui se reflètent sur ce miroir aveuglant aussi grand qu’un petit pays. Plus d’horizon, symbiose des éléments, si ce n’est ces monolithes redevenus îlots, rougis par le soleil irisant. Sur la isla del pescado surgit une végétation labyrinthique de cactus géants, vieux de six cents ans, qui empêchent les condors de griffer les lapins sauvages.
C’est avec la permission d’Alfredo Lazaro et de sa femme, les seuls insulaires, que je déploie l’aile du parapente pour embrasser le panorama. Première incursion dans le Royaume du Condor, au milieu d’une couronne de volcans, sous un ciel d’azur, porté par le vent des Andes, réchauffé par le soleil d’une fin de jour qui rosit l’infinité immaculée du désert blanc.